Travailler à la Dominion Bridge Company

Depuis ses tout débuts à Lachine, la Dominion Bridge Company possède un carnet de commandes bien rempli, d’abord pour des ponts, ensuite pour des structures de bâtiments et autres produits. 

La demande suscitée par la qualité des produits et la reconnaissance de l’expertise fait en sorte que rapidement plus de 300 personnes travaillent à l’usine. Ce n’est que le début.

Ouvriers et ingénieurs

Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Montréal est la métropole industrielle au pays. La présence ouvrière est concentrée aux abords du canal de Lachine où une centaine d’entreprises embauchent environ 28 000 ouvriers, soit près d’un employé sur cinq à Montréal (Desloges, Y. & A. Gelly, 2002, p.161). 

Les ouvriers proviennent Lachine et des paroisses avoisinantes. Le travail est physique et les conditions de travail, difficiles. Le bruit, la pollution de l’air, la chaleur, l’insalubrité, les longues heures et les accidents de travail sont omniprésents. Cela prévaut dans l’ensemble des usines. Des mesures sont mises en place pour assurer la sécurité des ouvriers. Vers 1896, la Dominion Bridge Company décide qu’une portion du salaire des ouvriers sera retenue afin de contracter en leurs noms une police d’assurance vie et accidents. 

[Dominion Bridge Company, instruction file]
Source : Bibliothèque et Archives Canada/Dominion Bridge Company fonds/e007152369ae

Ce sont également les ouvriers qui participeront concrètement au développement du quartier à proximité de l’usine à Lachine, le plus important employeur du secteur. Quant à ceux des paroisses avoisinantes, ils empruntent notamment le tramway pour se rendre à l’ouvrage.

Le 13 juillet 1912, la Dominion Bridge Company obtient sa nouvelle charte. À ce moment, 1 200 personnes y sont employées, soit 900 de plus qu’au moment de son ouverture. Tributaire du marché tant pour le meilleur que le pire, l’entreprise sera forcée de mettre à pied des employés suivant la Crise de 1929. C’est grâce au contrat pour la structure du pont Lion’s Gate de Vancouver, en 1937, que l’entreprise sort de cette importante crise financière.

Les ingénieurs, ainsi que les techniciens travaillant à la Dominion Bridge Company sont des employés formés et efficaces. Les ingénieurs et dessinateurs proviennent du Canada, mais également des États-Unis et de l’Europe. La diversité de provenance était voulue dans l’objectif de maintenir la connaissance au sujet des meilleures pratiques ailleurs dans le domaine et ce, à l’échelle mondiale.

En plus de concevoir ponts et structures d’acier pour les bâtiments, ils conçoivent leurs propres équipements et éléments de machinerie. Les dessinateurs sont en charge de la conception de la plupart des bâtiments que l’on retrouve sur le site. Travaillant de pair avec les ingénieurs de structures et les concepteurs d’équipements et machinerie, ils conçoivent des bâtiments adaptés.

Special mention should be made of the engineering department of the plant at Lachine, which undertakes the design and manufacture of every description of mechanical apparatus. Possessing, as it does, a large and exceptionally well equipped machine shop, work of almost any magnitude can be undertaken (Staff Article, 1916, p.667).

Mentionnons également que le montréalais Ernest Cormier (1885-1980), dont les ouvrages les plus connus sont le pavillon principal de l’Université de Montréal (1924-1943), la Cour Suprême du Canada à Ottawa (1938-1950) et le Grand Séminaire de Québec (1957-1960), a travaillé durant deux ans, soit en 1906 et 1908 comme ingénieur à la Dominion Bridge Company.  Il venait alors de terminer des études en génie civil à l’École polytechnique de Montréal et suivait des cours par correspondance à l’École de bâtiment de Paris.

Pour plus d’un architecte et d’un ingénieur civil, cette firme deviendra la référence en structure d’acier, et nombre de ponts et d’usines du canal de Lachine porteront la griffe de cette compagnie », entre autres choses (Desloges, Y & A. Gelly, 2002, p.151).
Des bureaux à l’usine

Dans l’industrie métallurgique, la main-d’oeuvre est majoritairement masculine. Soulignons cependant que dès 1889, une première femme est engagée comme secrétaire à la Dominion Bridge Company. Elle occupera son poste durant neuf ans. Lors de son départ, 38 autres femmes y travaillent comme secrétaires, ainsi que deux secrétaires particulières. 

Durant la Première Guerre mondiale, en l’absence des hommes partis au front, les femmes font leur entrée dans des usines, notamment à la Dominion Bridge Company. Auparavant, il était convenu que le travail était physiquement ou techniquement trop exigeant pour elles… 

L’univers de la Dominon Bridge Company demeure à majorité masculine et ce, jusqu’à la fermeture de l’usine.

Encore aujourd’hui, une quarantaine d’années après le déménagement du siège social aux États-Unis et depuis l’abandon du site lachinois par l’entreprise, la présence de la Dominion Bridge Company, de ses employés et de ceux ayant connu quelqu’un y ayant travaillé contribue à maintenir leurs apports vivants.


Sources

Image mise de l’avant : Titre: Detail at CM14. North span, Quebec Bridge. Source: Bibliothèque et Archives Canada/Dominion Bridge Company fonds/a148586

ARCHEMI, 2008, Analyse et potentiel de mise en valeur du patrimoine du secteur industriel Est de Lachine, Service de développement économique et du développement urbain, Bureau du patrimoine et de la toponymie de la Ville de Montréal, mars 2008, 244 pages. En ligne : https://09210f2d-d5e6-4d2b-879e-267d0ebe549d.filesusr.com/ugd/2f0d05_ddf6129c395041d68f2c383cf3b8656d.pdf.

CCA, s.d., « Note biographique », Fonds Ernest Cormier, 1857-1980.

Desloges, Y. & A. Gelly, 2002, Le canal de Lachine : Du tumulte des flots. L’essor industriel et urbain 1860-1950, Sillery (Québec) : Les éditions du Septentrion, 215 pages.

Gris Orange Consultant inc., 2021, « Recherche historique – Étude de l’intérêt patrimonial, Partie I», Usine Dominion Bridge Company, décembre 2020 – février 2021 (non publiée).

Parcs Canada, 2019, « L’impact des femmes sur le développement économique », Lieu historique national du Canal-de-Lachine, 3 août 2019. En ligne : https://www.pc.gc.ca/fr/lhn-nhs/qc/canallachine/culture/histoire-history/femme-impact-women.

Staff Article, 1916, « Dominion Bridge Co.Ltd., and Subsidiaires, Lachine, P.Q. », Canadian Machinery and Manufacturing News, The MacLean Publishing Company, 28 décembre 1916, vol.XVI, no.26, pp.665-668. En ligne : http://www.trainweb.org/oldtimetrains/General/Dominion_Bridge.htm.

Ville de Montréal, 2018, Service de la mise en valeur du territoire, 2018, Base de données sur les Ensembles industriels d’intérêt patrimonial. En ligne : https://smvt.maps.arcgis.com/apps/webappviewer/index.html?id=8c82cd6c86604abea06c723c8be9933b.

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